RECIT JUNGLE

RECIT JUNGLE

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Cela fait quelques jours que la course la plus folle à laquelle j’ai pu prendre part est terminée. Il s’agit bien du Jungle Marathon 2019 : 230km de trail avec un sac à 11kgs sur le dos traduisant autonomie alimentaire et logistique.

Tout a commencé avec un départ anticipé pour la ville de Cuzco au Pérou. J’apprends une mauvaise nouvelle, quelque chose qui m’empêche d’être serein et j’ai besoin de changer d’environnement. Je change mon billet d’avion et 36h après, au départ de La Rochelle je suis dans le TGV qui m’emmène à Paris. Je m’apprête à partir pour 3 mois d’aventure : Pérou, Thaïlande, Italie. A Paris j’ai la chance de retrouver une de mes meilleures amies. Je ne l’ai pas prévenue de mon arrivée, on mange ensemble midi, ce sera mon dernier repas en France, en très bonne compagnie avec Laura.

Mon premier trajet sera long : Paris > Sao Paulo > Santiago > Cuzco. J’arrive à Cuzco une semaine avant le départ du Jungle. La ville se situe à 3400m d’altitude, c’est bon pour l’entrainement et l’acclimation, c’est plus difficile lorsqu’on boit quelques bières.

Cette première semaine je ne la vit pas au mieux. Je dors mal, il me manque du matériel, je n’arrive pas vraiment à m’acclimater et puis il fait très chaud la journée, froid le soir. Je suis seul pour les entrainements et je ne m’y retrouve pas.

Puis je décide d’arrêter de me mettre la pression. D’ailleurs pendant 3 jours je n’irai pas courir mais je profiterai du paysages de la ville et des montagnes. Je fais finalement mon parfait touriste ! Je retrouve des français de mon école et on part visiter la cathédrale et d’autres monuments puis on fera une pause sur un point de vue surplombant la ville de Cuzco avant le soir de partager un repas ensemble.

48h avant le départ pour le camp de base je rencontre David. Le deuxième français de la course. On passera pas mal de temps ensemble à essayer de se faire comprendre dans les pharmacies et dans les magasins d’équipements de randonnée. Un séjour dans la jungle ? beaucoup nous regarde d’une drôle manière, alors quand on parle d’y courir..

Le 1er juin à 4h30 du matin je quitte enfin mon hôtel. Je suis comme une pile électrique et j’ai hâte de commencer. J’ai beaucoup de rancoeur, de rage et d’énergie à revendre sur cette course. Beaucoup de personnes pensent que je n’irai pas au bout et j’ai qu’une hâte, leur démontrer ce dont je suis capable. Je rejoint david sur la place centrale et on se dirige ensemble vers l’Hotel Ruinas ! Là on trouve une dizaine de vans, des traileurs des 4 coins du monde, je reconnais Kris le directeur de course avec qui j’ai beaucoup échangé et will également un des directeur de Beyond The Ultimate.

Personnes n’est vraiment réveillé. On monte dans un van qui est vide et je m’endors quasiment instantanément. Puis celui ci se complète, mais avec des jeunes, je pensais pourtant être l’un des plus jeunes, le plus jeune même. En fait il s’agit d’une partie de l’équipe médicale : les Exile medics. La plupart sont de jeunes médecins diplomé(es)s ou des étudiant(es)s en médecine dans leur dernière année. Le van part, on sait qu’on a 6h de trajet. Au bout de 3 h nous ferons une pause dans un petit village perdu dans les montagnes, ce sera d’ailleurs ma dernière communication avec mes amis, ma famille et mon staff français. Passé ce point, ce sera silence radio pour moi car plus de réseau. (cela fait un bien fou d’être coupé du monde pendant 6 jours).

Nous arrivons au premier camp de base qui se situe à 3000m, « la mer de nuages » est son surnom et on a vite compris pourquoi. Avec David on monte rapidement nos hamacs, le contrôle des sacs est fait par les médecins. pour nous ce sera Zoë, une étudiante en médecine de Bristol. Le feeling passe plutôt bien et malgré notre pharmacie ambulante il nous manque quelques produits, mais cela ne posera pas problème. S’en suit un briefing de 20/30min où les non anglophones ont ramer pour comprendre, mais le plus important c’est qu’on ne risque rien ou pas de se faire piquer par un serpent..qu’ils disaient… 😉

Le soir, on mange notre repas lyophilisé, et on se couche très tôt. Ma tenue de course est prête et dans mon hamac au fond de mon sac de couchage surplombé d’une couverture de survie je repense à mon équipement, refait point par point chaque élément pour ne rien oublier. Je n’arrive pas à dormir. La jungle, les bruits, les sons, tout est déjà passionnant. Et puis j’ai attendu plus de 8mois, je veux être sur la start line, je veux en découdre et je veux tout donner. j’ai comme une envie de revanche et de défoulement.

1ER ETAPE

Réveil, pliage de hamac, petit déjeuner, brossage de dents, et on enfile enfin la tenue de course. Cette tenue UGLOW bleue électrique destiné à cette course. Ça y est ! on y est. Je fais les derniers réglages de sangles sur mon sac, je fixe mon dossard, remplie mes gourdes et je suis prêt. La go pro à la main je fais le tour du camp, j’ai du temps devant moi mais je ne tient plus en place.

8H00 : Le départ est lancé, je le vit comme un soulagement. Je pars directement avec le groupe de tête. Je n’ai pas de plan de course, pas de stratégie. C’est la jungle, je ne connais pas le milieux et j’ai 11,5kgs sur le dos. Alors je préfère me fier à mon instinct qui me portera préjudice dès les première minutes : alors que nous sommes en tête, nous savons que nous devons tourner à une porte qui donne accès au parc et à la jungle. La première porte que nous passons est fermée par un cadenas et une chaîne. Il y a discussion : les japonais veulent continuer, les autres veulent attendre, je suis les japonais et une bonne partie du groupe de tête nous suit. Nous feront 1,5km de descente pour rien et le camion de l’organisation viendra nous dire que nous devons faire demi tour car nous ne sommes pas sur le bon chemin. la porte était la bonne. Je remonte en demi sprint les 1,5km mais je sais que j’ai déjà plus de 25min de retard sur les premiers (ceux qui ont attendus). Je me dit que ce n’est pas grave et que la course est longue. Je me faufile dans la jungle et je remonte petit à petit la caravane de coureurs. J’inspecte la flore au tour de moi, toujours suspicieux, beaucoup de lianes de branches de troncs mort ! C’est un autre monde, bien différent de mes parcours d »entrainements en montagne ou sur les bords de plage…Là où c’est plat, je cours. Là où ça descend, je cours. Là où ça grimpe un peu je cours avec les bâtons. Je cherche par tous les moyens à combler ce retard. Puis je suis rattrapé par le Norvégien Frode, et j’essaye de rester le plus longtemps possible dans son ombre. Il est sûr de lui, il a une très bonne foulée donc je fais au maximum. Cependant je vais trop vite. Je suis à ma vitesse habituelle mais j’ai 11kgs sur le dos… et du coup : ENTORSE. Je hurle de douleur, je dis aux autres coureurs qui me croisent que ça va mais au fond de moi j’ai peur que ce soit la fin. Alors je fais exactement ce qu’on m’a appris dans la Marine. Je met de l’eau dessus, je la ferme et je me dit que ça va aller. Je repars en courant, chaque pas est une torture. J’ai été tellement intelligent que le doliprane est au fond de mon sac. Je perdrai plus de 10min à l’ouvrir. Je me dit que c’est le destin et que tant pis il faut y aller. La douleur finira par passer le soir au camp après avoir pris un doliprane et fait un strap.

Je continues de descendre dans la jungle, je trotinne, je cours, je passe auddesus, en dessous des arbres morts, j’essaye de ne pas penser à la douleur. Je passe le premier check point sur une rivière où je retrouve Frode. j’ai oubié qu’on état en autosuffisance alimentaire…je m’imaginais les ravitaillements du Grand Raid des Pyrénées avec tous ses fromages et petites douceurs.. Je prends de l’eau et je repars aussi rapide. On a assez perdu de temps comme ça. S’en suit une grande côte où je vais peiner à grimper malgré les bâtons. En haut de celle ci je tombe sur l’équipe de l’organisation, appareil photo au poing ! Puis je commence ma descente sur une piste. jusqu’au premier camp ce sera roulant. Je fais une première partie du chemin avec John un militaire britannique puis je finis par le dépasser. Je continue seul pendant 10km jusqu’à entendre des bruits de pas derrière moi ! C’est Hilary ! Une fille géniale ! Nous partageons cette fin de course ensemble en discutant et en courant un maximum. A l’arrivée je suis 4ème et elle 5ème, assez surpris par mon résultat je me dit que rien n’est joué finalement, qu’il faut que je répare cette cheville et que je me repose. Je pose mon sac, j’installe mon hamac et je file me rincer dans la rivière. C’est ici que je discuterai pour la première fois avec Rafa ! Un coureur allemand génial avec qui on a partagé pleins de moments ! Tous les coureurs arrivent au fur et à mesure et on se retrouve tous finalement dans la rivière. Il fait chaud et on a envie de se laver un minimum !! On parle avec les médecins qui à ce stade n’ont pas beaucoup de travail, les pieds des coureurs sont en bon état !

ETAPE 2

Réveil à 5h30, rituels habituels et départ à 8h ! J’ai parler avec David la veille et tout se passe bien pour lui également. Je récupère ma balise GPS et dans ma tête je sais qu’il faut que j’accroche encore le groupe de tête. Cette étape est simple sur le papier et le sera également en réel. Le départ est lancé et je me retrouve dans le trio de tête avec Rob et Frode. Nous descendons rapidement la piste à une vitesse de 11km/h. Rapidement Rob disparait devant et Frode n’est plus derrière moi. Je suis seul et je dois faire très attention aux balisages. Tous les coureurs qui ont partagé des km avec moi vous le diront : je ne suis pas assez attentif. Puis après la piste il y a  la route, beaucoup de route au milieu d’une nature défoncée et sans règles. je me fais rattraper par un, deux puis 6 coureurs. J’ai soif, j’ai faim, j’ai le seum, rien ne va plus. Je tombe sur Zoë et Allan au ravitaillement.  (les docteurs de course) Je prend de l’eau et je met de la boisson sucrée dans mes gourdes. Je suis avec John, le coureur irlandais avec qui nous avons du dire le mot « Guiness » au moins 100 fois (par jour). On repart pour la jungle, mais en marchant, je suis fatigué, lui aussi je pense et on s’économise. Il y a plusieurs zones d’eau à passer dont une rivière très puissante à laquelle se trouve une corde pour nous aider à traverser. Je passe derrière John, on franchit petit à petit les obstacles et on fait une bonne équipe. Il me raconte un peu sa vie, son travail, ses courses et j’en fait de même. ce mec est top ! toujours le sourire, dynamique, il me rappelle à lui seul mon séjour à Dublin.. Puis on récupère un chemin un peu plus roulant, je lui propose de courir mais il préfère la marche rapide. Je continue mon chemin et je suis alors 4ème. J’admire les paysages de nature, les panoramas c’est juste dingue. Je vois enfin les drapeaux de la ligne d’arrivée à 1km et je vois le japonais à 300m devant. J’ai clairement les boules. Avec plus de motivation et d’envie j’aurai pu gagner du temps et le rattraper mais là sur les 300m restants il ne se laissera pas faire. Contre toute attente je le voit aller tout droit au lieu de tourner au virage ! je l’appelle mais il est déjà loin. Je prend le virage et je finirai la seconde étape second, mais avec un arrière goût d’inaccomplissement. Je m’en voudrais même de ne pas l’avoir attendu.. car cette 3ème place c’était la sienne.

J’enlève mon sac et je vais discuter avec Martin (Danemark) et Frode (Norvège). A ce moment là de la course ils sont premier et deuxième. Je prends le temps de sortir mon carnet et d’écrire encore une fois cette étape. On discute, j’ai bousillé un de mes bâtons sur une partie de jungle.. tout le monde me dit que ça va être difficile pour moi. Bref, je discute avec beaucoup de coureurs dont Misha, le hongrois. Il doit faire une tête de plus que moi et arrive souvent proche de moi dans le classement. Toujours le sourire, toujours prêt à aider et toujours là pour discuter. Ce fut l’une de mes plus belles rencontres du jungle marathon. Puis les arrivées continues au fur et à mesure de l’après midi jusqu’au soir à 20h. J’étais arrivé à 13h, j’avais pu me doucher, me masser, me soigner les pieds et eux arrivaient à 20h à la frontale… Respect. rien d’autre à dire Respect. Il faut énormément de mental. j’ai partagé ce soir là mon repas avec David et nous avons beaucoup discuté. C’est simple, mais c’est un luxe d’avoir un français avec qui parler. Parler sa langue natale avec quelqu’un dans des moments aussi compliqué ça fait un bien fou !

ETAPE 3

Je me lève, rituels habituels. Et je suis bien. J’ai de l’énergie, j’ai un bon moral et je veux tout donner aujourd’hui. je connais bien cette distance : 42km. un marathon ! j’en ai couru 10 je connais parfaitement le déroulé que ce soit bitume ou montagne j’aime ce format de course. On partira en 3 vagues et je serai dans la deuxième. Le départ : on passe au dessus d’une rivière via une tyrolienne sur une plateforme où nous sommes 3 coureurs. Arrivé de l’autre côté on attendra d’être une 20 aine pour que le départ soit lancé. Je me met sous un arbre à l’abris de la pluie qui ne s’arrête pas depuis le réveil. je me concentre, je ralenti ma respiration et j’admire tout autour de moi l’environnement. Je sais que je n’aurai pas deux fois la possibilité de vivre ce moment. Je ne sais pas pourquoi mais je me dit que c’est ma journée, je le sent, j’ai un bon pressentiment.

Will donne le départ et me voilà parti avec Frode en tête de cortège. Après 1km il n’y a plus que nous. On va courir en binôme pendant 15km dans la jungle, parfois sur une piste parfois sur des sentiers parfois en plein coeur de jungle. On rattrape rapidement les personnes du premier groupe une par une qui nous encouragent tous. Et on leur renvoi également. Il y a des passages compliqués, dans des boues qui ressemblent à des sables mouvants : on s’enfoncent jusqu’au tibia parfois au genou et cette pâte nous colle les jambes. il est parfois difficile d’en sortir et ça demande énormément d’énergie. Il y a une grosse solidarité sur ce genre de course ! On arrive à une tyrolienne et on est que tous les deux. On traverse et on repars sur une piste. Puis je sens que Frode ne va pas très bien, contrairement aux deux autres jours il a du mal à garder une foulée rythmée et il me dit que son estomac lui fait mal. Il préfère marcher un peu. Nous sommes au km 15. Je suis au top de ma forme et je reprends donc l’allure footing (10KM/h). Je ne marcherai pas tant que je n’aurai pas dépasser ou rattraper le premier de la première vague. Je finis par doubler les deux japonais et quelques minutes après je tombe sur Rob et un autre coureur. Je décide de marcher un peu avec eux, ils sont super sympas, je les aime bien et j’ai envie de parler un peu avec quelques amis. Ça fait un bien fou de rigoler et de partager ces moments. Ils me disent qu’ils sont deuxième et troisième. je repars quelques minutes après en course, avec pour objectif de rattraper le premier.

Pendant 12km je vais courir comme la mule court après la carotte qu’on lui tend. Il n’y a personne devant moi. Je suis le premier et Rob est deuxième. J’ai du mal comprendre.. Mais ça je ne le sait toujours pas. je traverse des rivières, des villages, je salue les habitants qui m’encouragent, je prends des photos et je m’imagine à Bordeaux, toutes ces nuits et ces moments où j’ai rêvé de cette course.. ça y est j’y suis c’est juste dingue ! Puis arrivé dans un petit village, je vois le ravitaillement. Tant mieux, je suis à sec. Là on m’apprend que je suis premier. J’ai pas les mots. Je crois que j’ai eu envie de pleurer ou de gueuler tout ce que je pouvais de joie. Tous ces entraînements et toutes ces heures n’ont pas été vains. Je repars plus que motivé et je me retourne tous les km pour voir s’il n’y a pas un coureur derrière moi. Je vais tout donner et je vais finir premier physiquement de cette étape. Martin le danois est parti dans la dernière vague, au chrono il arrive 3min avant moi. C’est comme ça mais je savoure cette arrivée. Je suis le premier à rentrer dans le village, le premier à courir à côté des enfants c’est incroyable et magique. Je suis comme un gamin je regarde partout, c’est un rêve qui se réalise finalement. A quel moment j’aurai pu penser en être capable.

Les coureurs vont arriver au fur et à mesure de la journée et je vais rester proche de la ligne d’arrivée pour les encourager et les saluer ! C’est important de s’entraider. Frode arrive et m’explique qu’il était malade aujourd’hui. Encore une fois cette place me laisse dubitatif, peut être qu’elle ne me revenait pas..mais j’ai quand même tout donner et je repense à mon entorse le premier jour. Que se serait il passé si je ne l’avait pas eu.. Il y a trop de facteurs qu’on ne peut prévoir sur ce type d’épreuve. Puis Misa arrive, John, Hilary et tous les autres ! Je discute un long moment avec rafa qui me dit que ça a été très difficile pour lui ! On prend le temps de savourer : le soleil est là, il fait beau, tous les coureurs vont bien, on ne peut qu’être heureux.

Le soir, je mange avec Misha. On discute beaucoup de son pays (la Hongrie) de ses courses et de sa vie. Il est génial, il a le sourire et il est hyper intéressant. J’en profite pour interviewer quelques coureurs, Hilary, John, Dan, Misha et d’autres.. il y a une grande maison en bois avec des chaises et une table on discute beaucoup. L’ambiance est très fraternelle. Puis les enfants du village nous font une danse et nous remettent également un collier. Ce collier je le garde précieusement car ce jour je m’en rappèlerai toute ma vie je pense, il y a eu un déferlement d’émotions, c’était comme si ce jour récompensait mes 4 années de dure labeur sur les sentiers, routes et chemins. Tout finit par se payer dans la vie.

David arrive en fin d’après midi et je lui avait gardé une place pour qu’il puisse monter son Hamac. Le soir il se fera un vrai camp de scout à en faire rire pas mal de coureurs ! Il s’est allumé une petite bougie (cela dit très très efficace pour éloigner les moustiques et les tuer même), il a ramené une chaise et s’est fait un petit campement au pied de son hamac. Nous sommes au coeur de la jungle mais notre camp est installé sur un TERRAIN de foot où il y a des projecteurs !! En plein coeur de la jungle !! C’est juste dingue, en face de nous il y a les enfants qui joue au foot…On se croirait dans un autre monde. Les téléphones portables sont coupés et au fond des sacs, n vit juste l’instant présent. On ne sait pas toujours l’heure qu’il est et on confond les jours. Bref on est coupé du monde, on est bien et on voudrait que ça dure.

ETAPE 4

Sûrement la plus difficile. Je n’ai pas bien écouté le briefing de course et ça aurait pu me couter très cher. En fait ce jour là il y aura deux itinéraires : le plus court est de 25km, c’est pour les personnes qui ne seront pas à l’heure à la barrière horaire. L’autre : 39km. Je pensais vraiment que cette étape ne faisait que 25km. Je pars en tête une fois le départ lancé. Je pars loin devant et je me dit que comme il n’y a que 25km je vais tout donner et courir cette étape un peu comme un semi. Je cours sur tous les chemins et il faut préciser que l’on aura pas 3m de pistes : seulement de la jungle pure et dure. Les chemins sont boueux, parsemés de troncs coupés et de lianes. Il y a des insectes partout, je finis même par en avaler un qui me piquera dans la bouche. J’essaye de le recracher mais impossible alors je l’avale, cela va plus vite. Je mange une barre de céréales derrière. je pense que c’était une araignée ou une mouche car plutôt gros. Bref dans ce type de moment ça nous est totalement secondaire. On ne voit jamais le ciel il y a trop de végétation au dessus de nous. Comme je suis premier et donc ouvreur, je me prend toile d’araignée sur toile d’araignée et je finis par prendre un bout de bambou pour sonder devant moi car ces toiles et ces petites araignées deviennent inssuportables. Mais sur le batons il y avait pleins de fourmis qui me bouffent la main. bref c’est un enfer, comme m’avait dit Christophe le Saux, un « enfer vert ». Je ne comprends pas car je sais qu’il y a au moins 2 ravitaillements et au km 16 il n’y a toujours rien. Puis j’arrive à ce fameux point au Km 17. On m’apprend que ce sera 39km aujourd’hui. J’ai une fracture du moral à ce moment là. Je ne suis pas du tout parti sur le bon rythme ni optimisé ma nourriture comme il fallait. Je vais perdre le moral et marcher dans les descentes, perdre du temps dans les montées. je suis moins vigilant et je tombe beaucoup, je me rattrape à un demi bambou qui me coupe la peau de deux doigts, bref je vis un calvaire, je ne vois toujours pas le ciel et je veux sortir de cette foutue jungle. Je veux juste voir le ciel bleu et le soleil je n’en peux plus. Martin et Frode font équipe ce jour là et finissent logiquement par me dépasser. Dans les 8 derniers km, il y a encore un col à passer. j’entends du bruit derrière moi, je me retourne, et je vois Misha. Je sis tellement content de le voir. il me remotive, il m’encourage et il me dit qu’on va finir ensemble ! On passe le col, on trouve de l’eau au ravitaillement et on entame la descente , la longue descente. On commence à entendre des voix des bruits et on finit par sortir de cette foutue jungle après 4km de descente. là on décide d’échanger nos drapeaux francais et hongrois et on passe la ligne d’arrivé de cette étape de folie ensemble. Une amitié est née sur ce parcours et elle durera dans le temps.

Ce camp est top. L’espace pour les hamacs est plat et sec et il y a des douches !! Certes avec de l’eau froide mais il y a des douches. Mes pieds sont dans un sale état, j’ai perdu deux ongles et j’ai des panaris aux deux petits orteils, ils font le double de leur taille..Je ne sais pas encore comment je vais pouvoir courir 70km le lendemain..

Je vais me doucher et je monte mon hamac. David finit par arriver mais je suis assez perturbé. J’ai perdu une grosse partie de ma nourriture et il me reste à ce moment là 3 barres de céréales et quelques raisins secs. Je me dit que je ne vais pas manger ce soir et que ça passera pour 70km demain. La faim me rappelle ) l’ordre et je craque pour une barre de céréales. Misha me demande pourquoi je ne mange pas et je lui explique. Il m’offre un de ses repas lyophilisé et en plus de ça une gaufre au miel. je ne sais pas comment le remercier. Il est aussi pour la course au podium il n’est pas loin derrière moi, mais il fait preuve d’une générosité extrême. Il part se coucher tôt et je vais manger avec John et d’autres coureurs ! j’ai beaucoup de mal à marcher à cause de mes orteils infectés mais il faudra s’y faire. le soir dans mon hamac je recouvre les deux panaris de crème antisceptique et je prends un doliprane…Léger traitement pour les personnes dans le médical j’imagine.. Mais je n’ai pas grand choses d’autres et je ne veux pas aller attendre 1h pour voir un médecin. Je privilégie le confort et je m’endors vers 19h ce soir là.

ETAPE 5

Réveil à 3h30, départ à 4h30. Il s’agit de la dernière et de la plus longue étape : 70KM. Pour l’occasion un coureur semi pro du Pérou participera à la course. Je sais de mon côté que j’ai beaucoup d’avance et que je suis 3ème au classement générale. Je me dit qu’en déroulant bien et sans faire de folies je ne peux plus être rattrapé. Je ne vais donc pas chercher la victoire d’étape mais je vais rester proches de mes concurrents. Le départ est lancé dans le noir, nous avons tous nos frontales et nous suivons une route, enfin une piste…On repasse par le village de Pilcopata qui sera notre lieu d’arrivée. Les habitants sont levés pour certains et nous encouragent. Je suis dns le groupe de tête, on est 7. Et puis je me rend compte que ça va vite, beaucoup trop vite. Les japonais mettent un rythme difficile, trop difficile à suivre pour moi et je sais qu’il y a 70km à tenir. Je décroche volontairement et je laisse les deux japonais et le péruvien prendre la tête de la course. Je sors mes bâtons et j’opte pour de la marche rapide. On est au 5ème jour et le sac m’a déjà bien détruit le dos. j’ai très mal au dos, mais ce n’est rien en comparaison des orteils avec les panaris. Je souffre sévèrement mais je me dit que dans 11 ou 12h c’est terminé ! 12h c’est rien, je relativise et je me dit que dans 12h ma souffrance prendra fin. Misha me rattrape puis me double. Il a une bonne foulée et je me retrouve avec Frode. On marche, on court, puis je finis par reprendre un bon rythme de course. je suis avec Frode et on arrive à la rivière. Rivière que l’on suivra pendant une 12aine de km avec parfois de l’au au chevilles et parfois jusqu’au nombril. ce n’est pas hyper rassurant car on ne voit pas ou mal les berges et les animaux qui pourraient s’y cacher… On avance prudemment tous les deux. Au bout d’un moment le chemin est roulant en bord de rivière et je reprends le rythme course, quelques minutes plus tard je me rend compte que Frode ne m’a pas suivi. il est déjà 500m derrière moi et prend son temps. J’apprendrai par la suite qu’il était malade.. Puis j’enchaîne les km dans l’eau. cela adoucit ma douleur des pieds car l’eau froide fait passer la douleur plus facilement, mais je douille. On est à 22 ou 23km du début de la course et il en reste encore une 50aine !

Puis on finit par quitter cette rivière et on débouche sur un chemin de jungle. Là je donne tout, mais je ne me met pas dans le rouge. Je finis par passer au check point 2 et j’arrive sur le bateau qui me fait traverser la rivière. là je ne comprends plus rien, Martin, le Danois et Misha sont censé être devant moi, or Martin apparaît sur la rive que je viens de quitter ! Il est donc derrière moi. En fait, il s’est perdu et a loupé un balisage. Je repars en marchant et j’attends qu’il me rattrape. J’adore ce type ! Il est calme, sympa et très positif. Il se met à ma hauteur et me propose de partager quelques km ensemble. le mec est premier au classement général et me propose de marcher et de discuter. En effet ça fait plus de 5h qu’on est parti. On est au km 38/40 et le besoin de partager, de discuter devient ultra important. En tête de course on est souvent tout seul. On parle beaucoup, il me raconte son métier, sa vie au Danemark et il me pose des questions sur la France et mes études. On fera 10km comme ça à alterner marche et course. Il doit faire au moins 40°C au soleil et on manque d’eau. On finit par arriver au ravitaillement où on fait le pleins puis, 400m plus loin on arrive à la jonction :

ce qui sont à l’heure à cette jonction peuvent partir sur l’étape de 70km c’est à dire la boucle de 30. Ceux qui auront trop de retard prendront un itinéraire bis qui fait moins de 10km. On est parti pour la grande boucle. Misha nous a rejoint et à nous 3 on part pour une ascension de 8km avec 650M de D+. Ca ne parait pas comme ça, mais après 3 jours de course et 180km dans les jambes c’est de la torture. On monte tranquillement à notre rythme et on double rapidement le coureur péruvien. Ce qui veut dire que devant nous il n’y a plus que les deux japonais ! Nous sommes 3em, 4eme et 5eme. Je commence à m’inquiter car je sais que l’un des japonais n’est pas très loin derrière moi. Et puis je refuse de me mettre la pression pour le classement. Je profite de cette course aux côtés de mes deux amis hongrois et danois. la montée est difficile et technique. On s’arrête et on s’échange quelques trucs à manger. Enfin ils s’échangent car de mon côté je bouclerai ce 70km avec 2 barres de céréales, une 20aine de raisins secs et 2 bonbons que m’aura donné Martin ! J’ai fini en hypoglycémie sévère mais tout s’est bien passé. A un moment, on fait une pause et Martin part devant, il est plus rapide que nous. Misha m’encourage mais je souffre le martyr. Je n’ose même pas enlever mes chaussures pour voir l’aspect de mes orteils mais c’est une horreur, une souffrance physique monstrueuse. Misha va me soutenir jusqu’au sommet où il y a de l’eau. Là je suis exténué, je lui dit de ne pas m’attendre et il insiste. Je finis par lui dire sur un ton énervé qu’il doit faire sa course et donner le meilleur de soi même, il part mais je vois qu’il aurait aimé que je le suive. Je ne peux pas, mon corps est à bout et j’ai besoin de me ressourcer. Je me vide une gourde entière sur le visage, je fais le plein d’eau et je repars. Je pense qu’à ce stade mes pieds sont tellement pourris que je marche encore moins vite que ma grand mère lorsqu’elle descend son escalier… je me sert de mes bâtons comme appuis et je dois faire du 1,5 ou du 2km/H. La descente est interminable, glissante, abrupte, recouverte d’insectes et de plantes qui piquent. Je met ma main sur un arbre et je me retrouve avec une 30aine de fourmis qui me défoncent la peau, bref un enfer. Je finis par capituler : je tombe, je reste allongé par terre et je souffle. Je râle et je jure. Je finis même par pleurer de rage. je suis à bout. Mes pieds sont à bout mon dos est à bout mes main sont cloquées par les bâtons, j’ai des piqures à tout va sur les jambes mais je me rappelle que si je suis venu ici c’est aussi pour la difficulté et le dureté de la course. Je finis par me relever et je continue ma descente aussi lente soit elle. Et puis, alors que je n’y croyais plus ou n’y pensais plus, d’un coup je sors de la jungle et je me retrouve sous le soleil, dans une grande vallée alimentée par une rivière. J’en pleure de joie, il est 16h, c’est le km 55, il n’en reste plus que 15/ 15km c’est rien, c’est mon entraînement habituel à la Rochelle. J’enleve mes chaussure et je les nettoies dans la rivière pour enlever la boue et les pierres. je vois du sang à toutes mes extrémités de pieds. Et je suis obligé d’enlever ma chaussettes car deux autres ongles ont sautés et je dois les enlEver pour qu’il ne me coupent pas la peau.

Je fais ça très rapidement car ma longue expérience sur les courses et en randonnées m’a bien appris que lorqu’on enlève un pied d’une chaussure celui ci gonfle jusqu’au point où on ne peut pas le remettre. Je souffre énormément mais c’est le jeu. Le pire c’est lorsque je remet ma chaussures droite, je sens un énorme morceau de peau partir avec. Il reste 15km, pas le temps de strapper ou de mettre du tape. On va serrer les dents car on est plus à ça prêt. À ce moment là je suis persuadé d’avoir perdu ma 3ème place. J’ai honte, j’ai un dégoût énorme et un sentiment d’injustice. Je vois un bénévole puis le dernier checkpoint. Ils me remotivent un peu et j’apprends que mon retard n’est pas si énorme. Je repartirai en courant de ce check point et je ne marcherai plus jusqu’à la fin de l’épreuve. 13km, dans la souffrance mais dans la joie. Paul Kalkbrenner à fond dans mes écouteurs, perdu dans mes pensées, je suis cette longue piste et je repense à ma première course à mes débuts dans la course à pied et je prends conscience des progrès que j’ai fait. Même si je suis 4ème ou 5ème je passerai la ligne d’arrivée tête haute et avec le sourire. J’ai pris beaucoup de plaisir. J’ai beaucoup beaucoup pensé à mon grand père dans ces derniers kilomètres, ce sportif de haut niveau avec un corps et un mental d’acier. Je ne voulais pas abandonner alors qu’à chaque pas, c’était comme si on m’enfonçait des clous dans les orteils sans parler de l’ampoule gigantesque..

Et puis, au détour d’un virage je trouve des enfants, puis d’autres, ils courent à mes côtés. Ho putain ! Le jungle est sur la fin, je ne suis pas prêt je crois. Ça y est on va en voir le bout, cette course que j’ai préparé pendant des mois. Ils sont tous là à me dire que c’est la fin, il y en a sur des vélos, d’autres avec des maillots de foot. J’aurai aimé parler avec eux mais je ne parle pas espagnol. Alors on se prête à un jeu : ils me disent des noms de jouers de foot et je leur dit le pays en anglais. Et ensuite c’est mi qui leur donne des noms de joeurs de foot. Ils ne me parlent que de Mbappé. Ils sont géniaux. Je suis clairement dans un autre monde, tous les repères, les marqueurs de temps ou de distance ont disparu. Et puis arrivé à un pont la plus grosse partie des enfants s’arrête et il y en a deux qui continuent avec moi. Les deux que l’on verra sur ma photo de finisher. Je vois les drapeaux de l’arrivée, j’entends la fête, le speaker, la fanfare. Tout le monde m’applaudit, je sens les lermes monter, je sens ce surplus d’émotion mais je me retiens. Je veux arriver avec le sourire je suis comme un gamin, j’accélère ma foulée. Il ne reste plus que 200m. Ma dernière pensée à ce moment là est pour mon grand père. sans lui je n’aurai jamais accompli tout ça. Je pense également à mes parents et à mes grandes soeurs qui se sont beaucoup inquiété durant cette course. Le reste je m’en tape pas mal, ceux qui m’ont lâché avant cette aventure ou qui ne croyaient pas en moi je ne leur accorde rien. Kris, le directeur de course est sur la ligne d’arrivée. Je tape dans sa main et on se fait une accolade. c’est libérateur. Le jungle est finit c’est fou je l’ai fait à 24ans j’ai bouclé ces 230km de jungle.

Misha me tend directement une bière et je trinque avec lui ! Les autres coureurs viennent me voir (ceux qui ont fait l’étape courte) et me félicitent. On boit ensemble, on rigole, on ressasse les souvenirs de la semaine et on mange ! Il y a à manger à volonté. Je file chercher du riz et du poulet, et j’en reprendrai 4 fois (en même temps avec 2 barres de céréales et quelques raisins).. je finis cette étape 5ème apres 12h de course dans la jungle. Je vais passer plusieurs heures à discuter avec Misha et à boire des bières et parfois du coca mais jamais de l’au car j’en été dégoûté. J’enlève mes chaussettes : un carnage. Je n’ai plus d’ongles sur le pied droit, le panari est devenu violet avec plusieurs cloques et l’ampoule est entrain de se déchirer au niveau de la deuxième couche de peau. je peux à peine marcher. Mais quand on est dans une compétition comme celle ci on est prêt à accepter n’importe quoi quand on a du mental.

Pour certain c’est de la folie, pour d’autre c’est énorme. Moi je sais que j’ai besoin de ce genre de défi et que je prends du plaisir à sortir de ma zone de confort. S’il devait m’arriver quelque chose demain je me dirais que je suis chanceux d’avoir déjà courur 74 courses. j’ai vu pleins de paysages en France et à l’Étranger, j’ai rencontrer pleins de personnes et tout cela m’a fait grandir. J’ai récupéré des dons pour l’association pour les enfants atteints du cancer et j’en suis très content. En plus d’un défi sportif, celui ci a été utile pour les enfants du service de cancérologie.

Je n’oublierai jamais ces rencontres faites avec d’autres coureurs ni ces parcours si exotiques. Je dois vous avouer que j’y retourne l’an prochain car j’ai trop aimé cette course et que je tenterai de la remporter. Je remercie tous les coureurs, toute l’organisation et les locaux également qui ont été parfait. je remercie également Exile Medics, les médecins et Zoë plus particulièrement qui a su me redonner le moral aux différents check-points. On été 52 au départ, 19 à finir le parcours longs et je me placerai 2ème. Le travail paye toujours et comme je dis toujours : « On vaut ce que l’on veut ».

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