TRAIL DES 3 PICS 2018

TRAIL DES 3 PICS 2018

MAËL, CHRISTIAN, BASTIEN

66km 4200m D+ 4points ITRA qualificatif pour l’UTMB

22 juillet 2018 : 5h du matin

On est tous réunis sur la grande place du village d’Arbas, en Occitanie. On est environs 200 à prendre part à ce trail de 66km. Pour moi ce sera mon premier départ à la frontale. Malgré l’heure matinale, les familles et le public est au rendez-vous. Le commissaire de course nous fait un briefing en insistant sur le fait qu’en raison de la météo le parcours va être technique et qu’il faut être très vigilant. Je fais mes dernières vérifications, et je suis prêt à partir. Quelques minutes plus tard, le coup de détente du starter se fait entendre, les fumigènes sont allumés par dizaine, une énorme fumée sert de « porte » sous l’arche au départ de ce grand trail.

L’ambiance est top et me voilà parti vite, trop vite pour 66km de trail. Dès la sortie du village on emprunte un chemin en lacets trop plat pour dire qu’on est en trail, trop abrupte pour dire qu’on est sur route… On grimpe le long d’une piste. Rapidement je me rends compte que je ne pourrai pas tenir ma vitesse et j’opte pour la marche rapide avec un rythme très régulier. Je double beaucoup de coureurs qui s’entêtent à courir… La règle est pourtant simple en trail… en dessous ou à 7km/h, il vaut mieux marcher afin d’économiser ses muscles plutôt que de rester dans une optique de course à pied qui va à l’encontre de la gestion d’effort.

Les kilomètres défilent, le jour finit par se lever alors qu’on est en pleine forêt. Les frontales s’éteignent au fur et à mesure. Je suis dans un bon groupe, on est dans la première moitié de la course, le rythme est bon, le genou tient malgré le strap et les quelques douleurs ressenties aux entrainements. Arrivé au premier ravitaillement du km 15, j’apprends que je suis 70ème. C’est honnête, et inespéré car je me lance sur cette distance pour découvrir la longueur et non pour faire un classement. Je ne prends que de l’eau et en moins d’une minute je suis reparti. Je suis seul car dans la descente, je me suis fait plutôt plaisir en accélérant et en faisant des pointes de vitesses. Nous n’avions pas eu l’occasion de nous défouler depuis le début de la compétition, c’est chose faite.

Vers le 23ème KM, alors qu’on a déjà passé plusieurs crêtes, je croise un jeune au regard amical, il vient de passer au deuxième ravitaillement. Moi il me reste la petite boucle à effectuer. Je le rattraperai par la suite et on fera cette course jusqu’au bout en équipe. Il s’agit de Bastien, on a le même âge, la même vision du trail. En temps normal il devrait être devant moi, plus léger et plus explosif il traîne cependant sa jambe… En effet, quelques km avant il s’est fait une entorse à la cheville… Mais son esprit baroudeur et son mental vont le porter au bout de ce défi. Pendant 10km on est bien, on cours, on marche on avance et on atteint le 30ème KM, où se situe le point culminant de la course.

Après avoir passé le km 30, les choses se complique. Dans les descentes je n’ai aucune adhérence au terrain : des herbes hautes, grasses, humides. Je ne fais que glisser, je tombe , je ne trouve aucun moyen pour gagner en vitesse ou en adhérence. Derrière moi Bastien descend prudemment, mais lui aussi va collectionner quelques belles chutes. Plus nous avançons dans les KM, plus le terrain devient compliqué..La pluie a rendu les chemins boueux, inexploitables, les dévers sont glissants et dangereux et on est obligé de ralentir notre foulée pour ne pas se blesser. Notre objectif ? le ravitaillement du km 41… On sait qu’on aura à manger, à boire et autre chose que nos gels et nos barres que nous mangeons depuis 6 ou 7h…

A plusieurs moments j’explique à Bastien que je n’ai plus aucune bonne sensation. Mon genou me fait très mal, mes ongles de pieds sont en sang à force de trébucher ou de tomber. Mes chaussettes sont trempées et cela apporte forcément des ampoules. Bref je ne prends plus aucun plaisir et il reste plus de 30km de course… Je me dit que jamais je n’irai au bout. Et plus on avance, plus le terrain continue d’être gras et impraticable.

Bastien me booste, il m’encourage et moi je sers les dents. On arrive difficilement au ravitaillement du km 42. Distance marathon effectuée, il ne reste plus que 24km. On est toujours dans les 100 premiers mais on a pris un gros coup au moral. Alors que Bastien va voir la sécurité civile afin d’avoir un strap ou bien un médicament pour calmer la douleur de son entorse, je me dépêche de changer de chaussettes et de strapper de nouveau mon genou. C’est à ce moment que je fais la connaissance de Christian, traileur, ultra traileur ariègeois et ultra motivé. Il s’est embarqué sur ce 66km sans bâtons ! Chose impensable pour Bastien et moi même !

On repart environs 15minutes après être arrivé. La sécurité civile ne peut rien faire pour mon compagnon de route, il repart comme il est arrivé. L’objectif maintenant c’est le ravitaillement du KM52. Là bas il y aura ma famille, et c’est une chose énorme ça ! Le soutien des proches dans ce type d’effort est quelque chose de magique. On repart en foulées dynamiques et on ne fera que courir jusqu’au ravitaillement.

Arrivé au ravito du KM52, on prend le temps de boire, je parle avec mes proches, je récupère car il reste 14km, dont 6km de côte avec un dénivelé positif proche des 1000m… Bastien prend ma chevillère et un doliprane fournit par nos superbes supporters ! On repart à l’assaut de notre dernier col…

Pendant l’ascension on rattrape quelques coureurs qui sont en train d’exploser… Difficile en effet de réaliser ce type de course en solo ne serait-ce que pour le mental. Notre petit groupe de 3 avance bien, on se relaye pour la tête de course, on questionne les autres sur leur état physique et tout se passe bien jusqu’à l’arrivée en haut du col. Là se trouve un ravitaillement. On ne prend quasiment rien car on sait qu’il reste moins de 12KM.

Personnelement je m’allège : je vide mes flasques et je jette mes derniers gels et nourriture. On part pour la descente comme des sprinteurs sur piste. On augmente la vitesse on fait des pointes à 16, 17km/h. On passe au dernier ravitaillement de la course où on ne prendra quasiment rien. Là Christian et Bastien augmentent la vitesse de croisière et dans les 5 dernierskm j’ai du mal à suivre. On est sur une moyenne de 13km/h alors qu’on a plus de 60km dans les jambes. Je m’accroche malgré tout mais c’est surtout eux qui m’attendent. Je leur dit plusieurs fois qu’on se retrouvera à l’arrivée et qu’ils peuvent tracer le chemin ! Ils refusent et s’adaptent à ma vitesse. Finalement on sort déjà de la forêt et sur le plat je retrouve mes jambes de marathonien.

On voit le petit village d’Arbas, et on sent que la fin de course est là. Dans notre descente ultra rapide dans la forêt on a laissé derrière nous plusieurs concurrents assez étonnés voir écoeurés de la vitesse à laquelle on survolait le parcours. Alors qu’on entre dans le village et qu’il reste moins d’un KM on laisse Christian partir devant. Il est au dessus de nous niveau trail. Il nous a tiré vers le haut et a été notre force sur les 20 derniers km. On ne lui volera pas sa place de leader du trio.

La ligne d’arrivée nous apparaît après un virage. Les sentiments de fierté, de joie, de bonheur et de camaraderie nous envahissent. A ma grande surprise, on n’est pas tellement fatigué. Il y a l’adrénaline de fin d’étape qui nous anime. Mes proches sont là, ils nous attendent. Il y a eu beaucoup d’abandons aujourd’hui. A la vue du terrain compliquée et de la météo beaucoup de personnes ont abandonné et on ne peut pas leur jeter la pierre. Nous, on a besoin des points qualificatifs et puis on ne pouvait pas abandonner aujourd’hui. On n’abandonne pas sur son premier trail de plus de 65km. On passe la ligne d’arrivée main dans la main et on check le speaker. Ma famille est là, ils sont plutôt impressionnés car la liste d’abandons est longue, très longue. Bastien enlève sa chaussure et là c’est le choc. Sa cheville est énormément gonflée, toute violacée, mon père qui est médecin craint une fracture ou un arrachement ligamentaire. Il se rendra rapidement auprès du service de santé de la course et fera une radio dans les prochains jours. Finalement plus de peur que de mal, c’est une entorse !

Nous voilà finisher de notre premier trail de 66km. On récupère 4 points qualificatifs pour l’UTMB et on se place 79, 80 et 81ème. On est assez satisfait de ce résultat. Ce fut deux belles rencontres et on se retrouvera bientôt sur une autre course. Bastien fera parti de nos ambassadeurs French Baroudeurs car il incarne parfaitement notre philosophie du sport : le sport mais pas que !

Lien de la trace : HTTPS://TRACEDETRAIL.FR/FR/TRACE/TRACE/48138


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